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Equateur

19- 21 Mai "Arrivée et adaptation à Quito"

L'avion s'approche tranquillement de Quito, dehors la couverture nuageuse laisse dépasser quelques sommets couverts de neige. Les volcans sont au rendez-vous, je ne peux pas encore dire leurs noms mais ils me semblent majestueux.

J'ai encore mon short et mes sandales, je suis le seul de l'avion!!, ça doit vouloir dire que je ne suis pas en phase avec le climat.

Il est 18h, bonne surprise il ne fait pas trop froid, je me dirige vers les hôtels, pas chers! pour établir mon camp de base. Je trouve l'hôtel Jeanne d'Arc, j'espère avoir une réduction car je suis français, mais mon sourire ne suffit pas, je paie plein tarif, 25 F, une chambre avec douche et WC, j'ai pris l'option pour ne pas multiplier les verrues, que j'ai déjà chopées sous les pieds....Le froid arrive petit à petit, il fait 17 degrés, dire que ça fait 1 mois que mon thermomètre varie entre 28 et 37 degrés, la sensation est agréable.

Le lendemain dimanche, je sors sur la place et petit à petit je fais le tour des pattés de maisons: En fait, je n'ai pas de guide et la sensation de chercher sans indication, est assez désagréable. Je demande souvent mon chemin et on me déconseille, pas mal de directions, à cause de ma tête de touriste. Les escaliers sont durs à monter, l'altitude fait son effet, je me revois 3 mois en arrière à Mexico, avec le mal de bide en moins. Quito est une ville verticale, les nombreuses églises dominent les quartiers et les rues montent et descendent, ça peut paraître débile, mais les villes traversées jusque là sont plutôt plates. Je suis content de revoir des Indiens en costumes traditionnels, avec les petits dans le dos de leur maman. Par contre, j'en ai marre de voir la pauvreté, ça me donne envie de rentrer. Une vieille femme est venue finir mon plat, avant que la serveuse n'ait eu le temps de venir nettoyer la table. Cette pratique a l'air courante.

Tout le dimanche ,je me ballade, fait une sieste sur mon appareil photo, dans un parc. Le lundi est plus riche, tout est ouvert, les 100 agences de voyages du quartier touristique affichent des tours de partout, la ville bouge. Par contre impossible de trouver un bon guide à acheter. Je me renseigne sur l'ascension du Cotopaxi, un volcan avec un cratère à 5900 m, ça me fait rêver, mais je ne m'en sens absolument pas capable et me donne 2 semaines d'acclimatation.

22- 23 Mai "1ere sortie vers le volcan Pululahua"

Le guide ne devrait être reçu que demain, je décide donc d'aller pas trop loin, à la caldera du volcan Pululahua.

En chemin, je m'arrête à la Mita del Mundo, zone touristique reconstituée autour d'un point de la ligne de l'équateur. Là où une mission française a défini la longueur du mètre en 1738. Un pied dans chaque hémisphère, je n'ai à vrai dire, aucune sensation. Par contre, je me pèse, car la non-rotondité de la terre, me rend plus léger ici, que partout ailleurs, sur la planète. Dans la queue vers la bascule, les filles sont plus nombreuses, bizarre !

On accède à la caldera du volcan par un chemin abrupt qui descend les 300 m de profondeur. En bas, je pars à la recherche des paysans pour qu'ils me racontent leurs histoires. Personne, les maisons sont cadenassées et des panneaux signalent, qu'elles sont toutes à vendre. Je croise quelques femmes qui lavent, elles me disent que les hommes rentreront plus tard, elles ne me répondent pas sur les volcans. Seul le garde de la réserve est là, pour faire payer l'entrée, 40 F d'impôts pour les étrangers sans aucune autre justification.

A la nuit tombante, le chemin principal du village se remplit, les hommes arrivent avec leur monture au galop, les femmes sont avec leurs enfants. En fait, c'est la récolte du maïs, tout le monde travaille dans les champs. Assez loin d'ailleurs, car certains me disent, qu'ils ont une heure de marche avant de travailler. Je discute des volcans avec deux paysans qui me disent, que tous les jeunes veulent aller vivre à Quito. Je dors dans le foyer du village et suis content de passer ma première nuit dans mon duvet.

Le lendemain, pas la peine de chercher à discuter, je décide de monter sur un des deux dômes de la caldera, le chemin se perd vite dans une végétation impénétrable, je décide de rentrer à Quito.
A Quito, je trouve enfin le guide sur l'Equateur et me paye un ciné," Tigre et Dragon".

24 -27 Mai "Fête de la communaute Morocho"

J'ai le guide, l'acclimatation se fait petit à petit, je me remets à rêver la nuit comme au bon vieux temps, le moral remonte.

Je pars vers les volcans Cotacachi et Tungurahua à 100 km au nord de Quito, il parait qu'il y a une histoire d'amour entre les deux.

Après une première nuit dans le village de Cotacachi, je pars pour la journée à la Laguna de Cuicocha. En fait, je me dis que la journée, ce n'est pas la peine de chercher des gens pour parler, tout le monde bosse. Je passerai donc les journées, pour moi ,et chercherai les légendes en fin d'après-midi.
Je marche donc, quelques heures autour de la Laguna de Cuicocha qui est en fait un volcan. Je marche uniquement avec le projet de m'acclimater pour le Cotopaxi, dans quelques semaines, ne croyez pas, que je me suis mis, au plaisir de la marche gratuite !

Après 6 heures de marche, j'arrive dans la communauté de Morocho. Une communauté d'environ 150 familles qui a tout récemment décidé, de faire venir des touristes. Ils ont construit des petites maisons très chouettes et proposent des tours écologiques avec des guides du village sur les plantes et la médecine. Je suis le premier à venir. En fait, je vais passer 3 jours complets dans cette petite maison, c'est l'anniversaire de la communauté et la fête vaut le coup. Parmi les festivités, l'élection de Miss Morocho est un point important, qui mérite une petite narration. 7 filles de 15 ans défilent les unes après les autres. Elles sont habillées en costume traditionnel et doivent faire un geste traditionnel du type, filage de la laine, lavage des habits, couture... Ensuite elles répondent à une question de philosophie du type; Le sport est-il bon pour la communauté, que penses-tu de l'ouverture prochaine vers le tourisme? A la suite, un jury désigne la gagnante, qui ira porter les couleurs de la communauté. L'élection est vraiment sérieuse, au moins autant que miss France !

Une autre programmation très exotique est la vaca loca (vache folle), un homme plié en deux porte sur son dos un panneau de condiments, sur sa tête des cornes de vaches, rallongées par deux torches d'environ 2 m. Le but du jeu est d'attraper la nourriture sans se faire brûler. L'action est rapide, si rapide que parfois, sur un geste sec de la Vaca Loca, l'essence des torches tombe sur les chapeaux ou sur le dos des toréadors improvisés. Les copains éteignent alors le feu, dans de grands cris et le jeu continue. Le reste de la fête est constitué de défilés, de danses, de concerts, de matchs de foot.

Plus que tout, de ces quelques jours, je garderai l'image, des deux petits du couple qui m'héberge, Andy 2 ans et Caterine 4 ans et demi. Leurs yeux malicieux et leurs billes toute ronde dans les bonnets de laine de type péruvien, me font tout oublier et je reste des heures à jouer avec eux.

 

28 Mai "Quito"

Après ces 4 jours, je rentre sur Quito, je récupère des films que j'ai fait développer ici, le moral chute, le voile bleu sur le premier film est confirmé sur les deux suivants: est-ce le labo, les films ont-ils pris la chaleur ? J'ai vraiment les boules, en plus j'ai des portraits qui auraient pu être bien, je garde mes autres rouleaux pour les poster à Piout pour qu'il les développe, dois-je continuer avec ces films ? Je décide de dire que c'est la faute du labo et continue à photographier en attendant les remarques de mon frère.

Le soir, j'ai la chance de pouvoir voir Erwan, un coopérant français qui bosse sur les volcans d'Equateur. Il me parle des volcans, me présente des gens du labo et me voilà parti vers l'observatoire du volcan Tungurahua. La veille, il faisait des fontaines de laves et les projections de bombes volcaniques incandescentes ,allaient jusqu'à 300 m de hauteur.

29 - 31 Mai et 1er Juin "Autour du fabuleux volcan Tungurahua"

C'est 4 jours seront vraiment destinés au Tungurahua, sans jamais que je puisse le voir découvert de nuages. Je passe deux nuits à l'observatoire, merci pour l'accueil, la première nuit on a pu voir des bombes volcaniques à l'aide de lunettes à amplification de lumière. La lave était donc toute verte, c'est original, ça change, la seconde nuit le volcan est resté couvert. L'observatoire, permet aux volcanologues de corréler les enregistrements sismiques avec la vision de l'éruption.

La journée, je suis parti à la recherche des légendes, j'ai passé un des meilleurs jours de mon voyage. L'évacuation forcée de 25 000 personnes en octobre 1999 est toujours dans les esprits. Le même jour, j'ai eu des impressions populaires, de l'église catholique et des volcanologues sur l'éruption du Tungurahua. En rentrant à l'observatoire, j'ai envie instantanément de faire une thèse sur les difficultés de faire comprendre un danger potentiel d'éruption à une population. Pour plus d'info, voir la partie concernant le Tungurahua.

Le jour suivant, je loue un vélo pour descendre vers l'Amazone, 70 km de descente sur les flancs d'un canyon, superbe. plein de cascades. En bas, l'idée que devant moi, 4000 km de jungle, me sépare de l'Atlantique, sans une seule colline, me laisse dans les nuages.

Le jour suivant, je reprends ma collecte dans les fermes, juste sous le cratère, la végétation est toute blanche, recouverte de cendre. Le vent soulève cette cendre qui vient piquer les yeux. La route est défoncée par les coulées de boue qui ont déposé d'immenses pierres. Les fermiers sont accoutumés à recevoir de la cendre ainsi, ils me disent ne pas être au courant de l'activité réelle et des dangers. De toute façon, ils ne veulent pas partir, il faut nourrir les bêtes.

02 - 03 Juin "Ca foire, faut changer de rythme"

Après toutes ces émotions et toutes ces rencontres, je change de volcan, je monte sur les contre forts du Chimborazo, Roi de Andes. Malheureusement, je perds ma casquette fétiche dans un bus, le moral chute. En plus, dans le village où j'ai prévu de crécher, tout le monde est au marché de la ville. Personne pour vraiment me renseigner, ça foire. En plus, il y a le match de foot tant attendu Pérou/Equateur qui décide pratiquement de la qualification pour le mondial de 2002, ça fait une semaine que tout le monde en parle. Je décide d'abandonner, je redescends en ville pour le voir. Le match sera le seul bon moment de la journée, une bonne ambiance, 1 litre de bière, Equateur 2 Pérou 1. je rentre un peu bourré à l'hôtel et dors vers 19h.

C'est dimanche, je décide de rentrer à Quito pour taper tous ces textes, la semaine prochaine, il faut que je change de rythme. Je ferai donc une semaine de montagne avec pour but le Cotopaxi 5900m dimanche. J'espère que le soleil sera au rendez-vous.

Pour les légendes de volcan, il me reste à découvrir comment s'attribue ici le sexe des volcans, car dans toutes les variantes des légendes, jamais le sexe des volcans ne varie. Des questions et réponses très drôles en perspectives.

4-8 Juin Acclimatation

On est lundi matin, je trace un graphique des altitudes prévues pour la semaine. Le but est d'être dimanche matin à 6h au sommet du Cotopaxi à 5897 m. L'impatience me démange, être là haut, au bord d'un cratère actif, à 5900m (il y a bien 3m de neige). Je pars vers les Ilinizas, volcan surmonté de deux pics de plus de 5200 m. J'en profite pour apprendre quelques légendes puis je monte au refuge. Il faut 6h depuis le dernier village où j'ai passé la nuit. Je fais un bout de chemin perché sur la charrue d'un tracteur, juste au-dessus de pics métalliques qui ne me rassurent pas vraiment. Le paysan me dépose et m'indique le chemin d'un grand geste de la main, accompagné d'un" por alla ", cette indication dont je commence à avoir l'habitude et qui se traduit littéralement par "par-là " veut surtout dire "prends cette direction et demande plus loin" !

Je prends un bon rythme et suis le chemin. Le brouillard tombe, il pleut je n'ai pas de carte et compte sur des paysans mais à cette altitude, je ne croise plus que d'énormes taureaux et vaches qui me regardent pleins d'interrogations. Le sentier se perd, je marche encore 2 heures à la boussole, sans changer de direction, ça monte. Peu à peu le doute m'envahit, il devient une obsession, encore 1 heure et je tombe sur un chemin. Il me rassure, je n'ai d'autres choix que de le prendre si je veux trouver le refuge avant la nuit. Le chemin se redresse sérieusement et mon sac à dos de12 kg me semble vraiment plus lourd à partir de 4500 m.

Après un détour, je tombe sur le refuge, ouf c'était le bon chemin. On ne voit toujours pas à plus de 20 m, après une rapide ascension jusqu'à la neige, je rentre au refuge. Je passe l'après-midi à me cailler car je n'ai absolument pas le bon matériel. Cinq alpinistes arrivent au refuge, chacun se met à raconter ses plus grosses galères devant des soupes chaudes. C'est fou comme la galère passée peut être agréable à raconter et à entendre. C'est sans nul doute une des motivations obscures que les aventuriers ont du mal à avouer. Le ciel se découvre par trous bleus de plus en plus grands. Au crépuscule, la voûte céleste n'est plus qu'une multitude de points blancs, à chaque minute plus nombreux. Au loin, le Cotopaxi, recouvert de son poncho de neige semble assis là, pour l'éternité. La pleine lune est juste au-dessus de lui, ces deux corps semblent si proches. Je ne résiste pas à raconter les légendes apprises dans le village au pied du volcan et notamment d'expliquer que le nom Cotopaxi se traduit par Cou de la Lune. L'image de ce cône et de cette boule suspendue au-dessus de lui me plonge encore plus dans la beauté de ces histoires.

Le lendemain, par un temps radieux, je pars vers le sommet de l'Illiniza Norte, à 5160 m. Le gardien du refuge me dit qu'on peu s'approcher du sommet assez près sans matériel mais que le piton rocheux terminal nécessite d'être encordé. Je me surcharge pour parfaire mon acclimatation et pars gonflé à bloc. Des cairns (petite pyramide de cailloux signalisant le chemin) indiquent un passage que je suis et juge suffisamment sur. Me voilà debout, sur les quelques cm² du sommet. C'est mon premier sommet en solo, mon premier 5000m. Les mots seront toujours trop fades pour exprimer les sensations de cet instant. Je ne le partage avec personne alors je bouille de l'intérieur. Mon appareil photo va me servir de soupape et le retardateur en marche je le regarde fixement. La concentration baisse et je manque de perdre l'équilibre, ce qui serait fatal à cet endroit. Une fois que la poussée d'adrénaline est diluée dans le sang, je range le matériel et entame prudemment la descente. Le Cotopaxi est face à moi, je le regarde avec plein d'impatience.

Je redescends dormir en ville pour récupérer puis monte au refuge Whymper, au pied du Chimborazo. Ce volcan de 6324 m est le plus haut d'Equateur. J'ai décidé de ne pas le tenter car il me fait moins rêver. Il n'est plus actif et ne possède pas de cratère. Néanmoins pour la beauté des falaises, pour dormir à 5000 m, et me faire une ballade à 5200 m c'est l'endroit rêvé. Le gardien du refuge me raconte quelques légendes mais il est métisse et me conseille d'aller demander à des indiens. Les histoires qu'il connaît sont liées à la religion chrétienne.

Après une nuit à me cailler, je redescends dans un vent à 100 km vers la route. Le groupe qui s'était levé à minuit pour faire le sommet à d'ailleurs fait demi-tour après 1 heure de marche. Avec l'altitude, le temps est la véritable difficulté de ces montagnes. Il est aussi imprévisible que les femmes me disait le gardien du refuge.

 

 

 

9-10 Juin Le Cotopaxi

Mes 5 jours d'acclimatation se sont déroulés comme prévu, en plus je me suis fait vraiment plaisir. J'ai juste pris froid, mais ce n'est pas un nez qui coule ou une gorge qui se révolte qui pourront remettre en cause l'ascension.

Je loue le matériel et, du à un désistement de dernière minute, me retrouve seul avec un guide. Le robuste Francisco a une quarantaine d'année. Ses pommettes usées par le vent, le soleil et le froid le rendent agréable. Je lui parle de mon voyage, comprend ma motivation. Il me dit que l'ascension jusqu'au sommet ne dépend que de moi et que les conditions météos, il en fait son affaire, je lui rétorque que je pousserai mon corps à bout pour arriver la haut. Un pacte est ainsi passé entre nous, chacun jouera son rôle. J'ai appris que le taux de réussite est d'environ 10% et je ne ferai qu'une tentative. Le temps se gâte, il neige et le vent souffle.

Les 80 personnes du refuge se couchent, l'excitation m'empêche de dormir puis Francisco me prend le bras " Vamos ". Je sors de mon duvet, il est minuit, dans 7heures j'y serai.

Les 80 personnes ont le sourire, pourtant dehors il vente de plus belle et le brouillard a remplacé la neige tombante. Dans les Alpes, tout le monde resterait couché, ici peut être que le temps est véritablement femme ! Enfin c'est la seule explication que je trouve à cette innocence. En plus, on va monter à près de 5900 m et même sous les tropiques un glacier reste un glacier !

On part à 3, Henri un français rencontré au refuge, s'est joint à nous. Nous faisons totalement confiance à Francisco qui est monté la haut environ 800 fois. On part dans les premiers pour être tranquille. Les conditions sont effectivement dures. Apres quelques heures, ma barbe est complètement gelé, il a fallu dégeler les lunettes d 'Henri à plusieurs reprises, une frontale a rendu l'âme, prise dans la glace. Le jour se lève mais le temps, lui, y renonce.

Il nous reste maintenant 90 m de dénivelé pour atteindre le sommet. La pente se relève jusqu'à 50° et les 50 cm de neige fraîche ralentissent notre progression. Nous nous regardons d'un air interrogateur car nous savons tous qu'on ne verra rien à plus de 10 m. Je sens l'odeur caractéristique du soufre dégagé par les fumerolles mais même là haut je ne pourrais pas les voir. Sans rien dire, on continue notre ascension. Même si je sais que je ne pourrai faire la trace plus de 5 minutes, je propose à Francisco de passer en tête pour soulager son effort. Il refuse et continu sans relâche à tailler les marches dans la neige et la glace. Une heure après, il ne reste plus que 20 mètres, le vent devient encore plus violent et les sifflements nous obligent à crier pour communiquer, même à 3 m les uns des autres. Francisco me propose de renoncer ici. Mon inconscience prend le dessus et je lui dis que je sais que je ne verrai rien là haut mais que je veux faire le sommet. Il accepte de continuer, je bouille de l'intérieur, l'ivresse de l'altitude de la fatigue et du manque de nourriture me fait oublier les dangers de la montagne, sans que sur le moment j'en aie conscience. Dix minutes plus tard, une rafale vient nous coucher tous les trois sur la paroi. Pourquoi nous a-t-elle collé face à la neige et pas fait tomber en arrière ? Est-ce le hasard ou juste un signe pour nous dire de ne pas monter plus haut. Là Francisco ne me demande plus, il décide de faire demi-tour. J'ai envie de me désencorder et de faire les 12 mètres restant. Renoncer est difficile et la seule raison pour laquelle je ne vais pas plus loin est ma confiance envers Francisco. Le Cotopaxi est sa montagne, il a la réputation au refuge de toujours faire le sommet et là il décide de renoncer. On s'embrasse tous les trois, sans que le cœur y soit.

La descente est plus rapide, mais le brouillard est toujours tout autour de nous. Après 1 heure environ, Francisco hésite. Je cherche à comprendre ce qui se passe sans poser de question. Tout autour de nous on distingue un labyrinthe de crevasses. Là, je prends peur, beaucoup plus que la haut. On est sans doute perdu ! Je laisse Francisco faire des zigzag sans lui monter mon inquiétude. Je ne sais pas si Henri se rend compte. Après 20 minutes je m'approche de Francisco. On en parle calmement. Il me dit qu'il n'y a normalement qu'un seul pont de neige pour sortir de cet endroit du glacier, mais qu'il ne le retrouve pas. Je suis incapable d'apporter la moindre aide. On continue à marcher. J'ai peur qu'il ne prenne un chemin plus risqué et qu'on soit bloqué plus tard par des ceraques. Après environ une demi-heure supplémentaire, je le vois se retourner avec le sourire. Francisco à belle et bien retrouvé l'unique pont de neige. On s'embrasse, et cette fois-ci, les accolades sont fortes et le bonheur coule dans nos veines.

La descente continue, on ne voit toujours rien. Henri commence à être vraiment fatigué, j'ai vraiment envie de manger et de dormir, on marche depuis 10 heures à plus de 5000 m dans des conditions difficiles.

Soudain, Francisco, placé à l'avant de la cordée pour trouver le chemin de descente disparaît. La corde se tend. Par réflexe, avec Henri, on se retrouve couché dans la neige, le crampon planté au plus profond. L'essentiel est fait, on est arrêté. Nous plantons chacun nos piolets et faisons tour à tour des boucles pour sécuriser tout ça. On appelle Francisco pour avoir des nouvelles, pas de réponse. Vu la tension de la corde il est toujours suspendu. Je ne connais pas les techniques pour sortir quelqu'un d'une crevasse, Henri me dit que lui non plus.

On commence à tirer comme on peut sur la corde. Puis peu à peu elle s'allège, c'est bon signe. Francisco retrouve des appuis, il ne va donc pas trop mal. On continue à tirer, jusqu'à ce qu'on voit un piolet sortir de la crevasse. Puis il sort la tête avec une expression de soulagement. Plus de peur que de mal. Après quelques minutes, Henri traverse à son tour le pont de neige. Je luis emboîte le pas mais il cède sous mon poids. Je me retrouve suspendu au milieu de la crevasse. Mes deux compagnons s'attendaient à cette chute donc ils me retinrent sans difficulté. De mon côté je n'ai pas eu peur et je m'empresse de remonter le mur de glace aidé de leur traction. Là encore, de l'autre côté de la crevasse, les accolades sont émouvantes. Ca commence à faire beaucoup pour une journée et le chocolat chaud au refuge devient le but de ma vie. Le reste de la descente est plus classique et un rayon de soleil vient illuminer le refuge juste à notre arrivée. Le gardien du refuge, nous dit qu'il commençait à être inquiet car les 30 autres cordées sont redescendues de bonne heure.

L'aventure se termine, dans la voiture qui nous ramène à Quito, personne ne parle, on ne dort pas, j'imagine que comme moi Francisco et Henri se refont mentalement l'ascension et surtout la descente.

Le soir, je pars vers un point Internet pour raconter mes exploits à ma famille quand, devant l'écran, mes yeux commencent à me brûler à chaque clignement d'œil. Je ferme l'ordinateur et rentre me coucher. La douleur augmente. Je ne supporte plus les paupières sur mes yeux. J'ai du me geler la surface des yeux avec le froid et le vent. Nous n'avions pas mis les lunettes car sinon c'était impossible de voir quelque chose. Une erreur de base à ces altitudes mais vu l'épaisseur du brouillard, je n'avais pas trop peur des UV. J'hésite toute la nuit à aller à l'hôpital. D'un côté j'ai vraiment mal, de l'autre je me dis que c'est juste une brûlure superficielle et que ce n'est pas grave. Je prends quelques anti-douleur et attends le jour pour consulter.

Au petit matin, mes yeux sont collés par toutes mes larmes de la nuit. Je vais voir un grand pharmacien proche de mon hôtel pour éviter d'être sous la lumière trop longtemps. Il me donne un collyre et 2 heures après je peux rouvrir les yeux. La douleur passe légèrement, je repousse l'hôpital à cette après-midi et reste couché sur le lit, les yeux fermés, à refaire le Cotopaxi. J'hésite encore puis décide d'attendre le lendemain.

Au matin, les progrès sont nets, je ne peux pas sortir dehors les yeux grands ouverts mais dans ma chambre, sans courants d'airs j'arrive à lire presque normalement.

Je prends donc encore deux jours de récupération forcée.

On est maintenant jeudi, ça fait quatre jour que je récupère et suis prêt à repartir vers d'autres aventures.

 

   

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