MEXIQUE
21
- 23 février Arrivée à Mexico et Teotihuacan
A l'arrivée à Mexico, suite à
quelques coups de fils depuis la France, je loge chez des copains
de copains. J'ai donc pu déposer mes quelques affaires dans
leur appartement et me lancer à la découverte de cette
immense ville de 22 millions d'habitants. Contrairement aux idées
reçues, pas de stress, mais une bonne impression à
tous les points de vue. Je suis tombé sur des conditions
exceptionnelles, le ciel est bleu, les températures assez
hautes et le métro pas plus bondé qu'à Paris…
Pas de regards agressifs…Pas de sensation d'insécurité.
Seul le trafic sur les avenues est aussi terrible qu'on peut l'imaginer,
heureusement les taxis " coccinelle " verts et blancs viennent égayer
ces flots incessants. Le centre ville est très propre et
on ne voit pas particulièrement de signes de misère.
Le métro est déroutant, car hormis sa couleur orange
" TGV ", on se croit à Paris : les voitures et les stations
sont de conception française.
Je profite d'être à Mexico pour aller
à l'université chercher quelques infos sur le fil
rouge de mon voyage : " les légendes des volcans d'Amérique
latine ". Après 2 demi-journées de recherche, j'arrive
à trouver le bon endroit et 2 chercheurs qui me conseillent
sur la littérature. Je comprends que le sujet est très
vaste et je pense que le mieux serait d'aller dans les villages
afin de parler avec les anciens. L'un d'eux m'explique clairement
en français que la condition indispensable pour ce travail
est de parler espagnol. J'ai mes cassettes de méthode rapide
dans le sac à dos, il va vraiment falloir que tous les jours
j'étudie pour vite maîtriser un béaba d'espagnol.
TEOTIHUACAN
Une journée de visite s'impose sur ce site
de Teotihuacan, ville prospère de 200 à 750 ans avant
J.C. où les pyramides de la lune et du soleil nous rappellent
que d'autres civilisations ont pu créer des symboles et des
réalisations extraordinaires sans le fer ni la roue.
24
- 25 février Au pied du Popocatepetl
La première destination volcanique est Amecameca,
ville la plus proche du Popocatepelt. Ce volcan en éruption
permanente est interdit d'accès à moins de 12 km.
C'est de loin uniquement qu'on peut le contempler. Voici un des
premiers paradoxes de mon voyage, plus le volcan est actif moins
je vais pouvoir m'approcher ! Heureusement, je me dis que l'activité
doit également réactiver les mythes et légendes.
Avec mes balbutiements d'espagnol, j'arrive à récupérer
une légende sur ce volcan et sur son voisin le Iztaccihualt.
Par chance, c'est la fête annuelle d'Amecameca
avec des célébrations religieuses où les coutumes
indiennes et la religion catholique se marient dans une symbiose
plus qu'étonnante. Je profite de ces deux jours pour me reposer
(lecture, couture et écriture) malgré le bruit des
manèges installés juste en face de la fenêtre
de ma chambre d'hôtel. Ce soir, je travaille le chapitre 4
de ma méthode d'espagnol et écris quelques cartes
postales.
26
février Cholula
Les pyramides de la lune et du soleil m'ont donné
envie d'aller voir la plus grande pyramide jamais construite par
l'homme. Elle est plus grande que celle de Kéops en Egypte.
Cependant, elle est partiellement enterrée et recouverte
de végétation. Pour couronner le tout, une église
a été construite au sommet. Les tunnels d'exploitation,
ouverts au public, resteront les plus intéressants, car on
peut voir les différents stades de construction.
28
février - 02 mars Hidalgo, plus haut village d'Amérique
du nord
En posant des questions sur les volcans, j'apprends
l'existence du Pico de Orizaba volcan
culminant à 5600 m. Il est le plus haut sommet du Mexique
et le troisième sommet d'Amérique du Nord: il est
le mont Fuji ou bien le Kilimandjaro local.
Je décide donc d'aller le titiller en espérant
secrètement pouvoir tenter le sommet, qui hormis l'altitude
et un peu de technique de neige ne pose pas de véritable
difficulté. Sur place, ne trouvant pas de groupe d'alpinistes
(pour m'incruster) ni de matériel (lunettes, gants, duvet),
je décide d'aller voir le dernier village à 3600 m,
afin de ne pas être venu que pour la légende du volcan...
Après 3 heures de montée, chargé de mes 12
kg, je m'assois devant l'église et reprends mon souffle lentement.
Je m'approche d'une femme, qui tout en lavant son linge, m'observait
depuis mon arrivée. Je lui demande si elle connaît
quelqu'un qui pourrait m'héberger pour la nuit. Après
un sourire, j'ai basculé dans un autre monde…
Salvadora m'a ouvert la porte de sa maison. Elle
m'a fait découvrir sa famille et sa vie quotidienne.
Elle est mariée à Antonio et mère
de 4 enfants âgés de 8 à 3 ans. Durant les 2
jours, elle s'est levée une heure avant son mari et ses enfants,
pour couper du bois à la hache et préparer le feu
pour le premier repas. Elle se couche également après
son mari après avoir lavé et habillé ses enfants.
Je l'ai également vu déplacer les braises du feu à
la main, d'un geste rapide mais sûr. J'ai dormi par terre
entre 4 couvertures, comme je m'étais vraiment " caillé
" la première nuit, elle m'a donné une 5eme couverture
pour la seconde nuit, quasiment en me bordant.
Antonio, le père, est un fermier, il m'a
guidé durant une journée pour monter sur une butte
à 4300 m. Il m'a décrit sa vie de fermier et considère
qu'il est plus facile de vivre à la campagne qu'a la ville,
car on a moins besoin d'argent. J'ai dans mes deux sacs plus d'objets
que dans toute leur maison. Les 4 petits étaient en permanence
autour de moi, à jouer et à me scruter avec étonnement.
Le troisième jour, je suis parti vers un
autre village en contournant le volcan par un col à 4000
m. Seul, sans carte, sur un chemin vu rapidement sur un topo en
espagnol 4 jours avant, j'ai eu un peu peur en passant au col dans
un nuage de grêle et de neige. Heureusement après 3/4
d'heure de descente une éclaircie m'a permis de voir un village
qui s'est avéré être le bon 2 heures après.
Fatigué après 7 heures de marche, les pieds explosés,
j'ai pris une chambre d'hôtel et une des meilleures douches
de ma vie, et ce malgré les cafards qui grouillaient sous
le lavabo. La descente de 4000 m à 1600 m était impressionnante
à cause des changements de température, d'odeurs et
de végétation. En haut l'herbe rase et la neige, en
bas les bananiers et les caféiers, entre les deux, des cerisiers
en fleurs et une multitude de pins. La descente était aussi
un déplacement temporel, avec un confort croissant d'un village
à l'autre. Poteaux électriques, magasins, voitures,
goudron, station service…
4
- 5 mars Repos chez la famille Gutierrez
Après ce mini-trek, je prends 2 jours pour
me reposer. Dans le bus, je rencontre Gumersindo qui m'invite chez
lui à San Andres de Tuxtla.
Autre vie dans cette ville de 50 000 habitants,
au pied du volcan de San Martin. Je passe le premier jour à
me reposer au pied des cascades et des lacs et un jour pour monter
au San Martin.
Les soirées se passent en famille avec des discussions sur
beaucoup de sujets, suivant mes capacités à m'exprimer.
Le père travaille, la mère fait " tourner " la maison.
La religion est très marquée chez eux comme partout
dans la région, les symboles sont omniprésents dans
toutes les décorations.
Cela fait 10 jours que je n'ai parlé ni
français ni anglais ( pas trouvé de Nivat non plus):
L'espagnol entre progressivement. Je pars d'un très faible
niveau et chaque phrase comprise ou dite est un progrès vers
la communication. Cette situation ajoute de l'intensité au
voyage en solitaire. Chaque pas, chaque rencontre et chaque photo
non prise sont des instants uniques que je ne pourrai jamais revivre.
Un voyage seul, c'est comme un bon roman avec un engagement corporel.
Paradoxalement, seuls internet et mon journal me permettent de revenir
à la réalité en fermant le livre temporairement...
6
- 7 mars Etape à Villahermosa
Après une semaine passée pratiquement
24 heures sur 24 avec des Mexicains, je me retrouve à déambuler
dans les rues de Villahermosa. Cette ville se situe tout en haut
à droite sur la page " itinéraire " de mon site personnel.
Principale ville de l'état du Tabasco, riche en pétrole,
est également le point de passage entre la péninsule
du Yutican et le reste du pays. Villahermosa jouit d'un développement
important qui se traduit en centre ville par des rues piétonnes,
des fast-food américains et autres supermarchés. D'ailleurs,
pour la première fois de ma vie j'ai visité un supermarché
comme un musée et me suis offert un Yop local. Les vêtements
féminins sont aussi bien plus occidentalisés et la
mode strech est de rigueur!
Tout ça pour dire que le changement est
brutal, on change de pays en centre ville. C'est plus vrai au Mexique
que dans les pays que j'eus la chance de traverser. Le lendemain,
je visite le Parque La Venta qui présente des sculptures
et des animaux de la jungle locale comme des singes et le terrible
Jaguar, symbole de puissance et de divinité pour les civilisations
précolombiennes. Ces quelques heures de calme me permettent
de recharger les batteries pour partir vers le volcan El Chichon…
Le volcan El Chichon
a littéralement explosé en mai 1982. L'éruption
de type péléenne ( explosion du volcan et retombées
d'un nuage de cendres ) a fait environ 2500 victimes. Aujourd'hui,
il comporte un cratère de 1 km de diamètre et profond
de 250 m. Au fond du cratère demeure un lac de souffre et
quelques fumerolles. Le volcan n'étant pas indiqué
sur le guide, je prends ma carte d'Amérique centrale, grâce
à elle j'ai perdu 4 heures de bus et plus car le volcan était
mal placé sur la carte. Enfin, j'arrive à Chaputenango,
après 2 heures de piste. Le village (environ 1000 habitants)
semble plus riche que ceux que j'ai traversés. Je me dirige
vers Enrique Reyes qui parait-il est l'homme du volcan.
En effet, il me raconte ses sorties avec Maurice
Kraft, il guide le volcanologue sur le volcan depuis l'éruption.
J'ai du mal à le suivre car son enthousiasme l'empêche
de mettre son langage à ma portée. Je l'enregistre
sur une cassette en espérant pouvoir décrypter rapidement
l'histoire de l'éruption et la légende principale.
J'ai compris que le village avait été enseveli sous
5 m de hauteur, ce doit être pour ça que tout me paraît
plus neuf qu'ailleurs. Enrique, me propose un de ses neveux comme
guide, il s'appelle " Raymondo ". Je me promène dans le village,
les filles et les gars jouent au foot en équipe mixte! Je
suis assailli par des dizaines de jeunes qui veulent me parler anglais.
Après 2 heures de pression et d'échanges difficiles,
car aucun ne voulait parler tout seul par timidité, je rentre
à la pension du village. Je n'ai pas réussi à
m'inviter chez un habitant.
Le lendemain, à 5 heures départ pour
le volcan, 20 minutes de voiture et 2 heures de marche. C'est la
veille de la pleine lune, ma frontale est éteinte, on marche
comme dans un rêve. La brume et la jungle autour de nous sont
éclairées d'une lumière apaisante, au loin
El Chichon une simple colline vu du bas. Il dort paisiblement. On
passe sur des ranchs qui sont à tout jamais recouverts. La
quiétude du lieu me semble paradoxale. Le soleil se lève
et dissipe les brumes matinales, on arrive au cratère, la
végétation est maintenant essentiellement de l'herbe
jaunie, une odeur de souffre nous envahit. La végétation
a recouvert l'extérieur du cratère, l'intérieur
est minéral. L'eau, tout au fond, est verte. Le volcan semble
respirer par une dizaine de fumerolles à intensité
variable. On descend dans le cratère, l'odeur de souffre
devient très forte, je ne suis pas rassuré car à
forte concentration le H2S est mortel. Raymondo, récupère
des cristaux de souffre pour une personne du village qui en fait
des médicaments.
A la descente, on coupe par un petit canyon. C'est
bizarre de marcher sur des pierres qui n'ont pas 20 ans. Tout est
instable, même les grosses pierres sur lesquelles on saute
à pieds joints dans les alpes m'ont donné quelques
frayeurs. Apres 6 heures de marche, on arrive enfin à Chapultenango,
il me reste 6 heures de bus pour aller à Palenque.
Cela fait maintenant 2 semaines que je n'ai pas
dit un mot de français et seulement quelques phrases avec
une étudiante mexicaine en anglais. Mon espagnol progresse
rapidement, sous la contrainte on avance ! J'ai tout de même
envie de m'exprimer normalement. Je vais à Palenque pour
voir les ruines, mais aussi pour rencontrer des routeurs dans une
auberge ou un camping.
Je mange avec les doigts depuis maintenant plus
de 2 semaines, excepté deux soupes avalées à
l'aide d'une cuillère. Ce changement là, je m'y fais
très bien mais si cela dure encore durant 5 mois, le premier
repas d'affaire va être terrible!
La base de l'alimentation est le maïs. Les
Mexicains en font des Tortillas ( crêpes épaisses).
Elles sont généralement en tas à côté
de l'assiette et servent de pain et de cuillère. Les garnitures
sont souvent des haricots, du fromage et un peu de viande. Les viandes
sont très courantes, un peu trop à mon goût,
on retrouve du poulet, du porc et du bœuf.
La boisson est quasiment toujours un breuvage dont
le nom commence par " c ou p " et fini par " a ou i "! Souvent j'ai
envie d'un bon jambon beurre avec du pain bien de chez nous, même
s'il a été acheté dans la voiture 18 d'un train
de la SNCF…
10
- 12 mars Vacances à Palenque
Après ces deux semaines intenses, j'ai besoin
de vacances, et oui, c'est comme ça ! Je ne pensais pas avoir
ce genre d'impression durant ce voyage, mais c'est la vérité.
Je pars donc à Palenque. Une cité maya qui a vécu
son apogée vers 700 ap JC. Là bas, en plus de voir
des temples fabuleux, je croiserai bien des touristes et des routards.
Se retrouver au milieu des temples vieux de mille
ans, adossés à la montagne, restera un moment magique.
La jungle seulement défrichée autour des principaux
édifices vient engloutir toute une partie de l'ancienne ville.
On peut jouer aux explorateurs en sortant des sentiers fléchés
pour découvrir des temples enfouis, et qui sait un trésor
Maya.
Sur le site, j'aborde un bus de français,
c'est super de parler sans réfléchir, on échange
quelques infos sur le pays. Nos visites, nos impressions n'ont aucun
rapport. Chaque type de voyage apporte des sensations différentes,
il faut simplement savoir ce que l'on veut trouver sur place pour
choisir sa forme de voyage.
Le soir, j'achète un hamac et me retrouve
dans un camping rempli de routards qui pour la plupart sont là
depuis des semaines et ne savent pas quand ils vont partir. Mes
5 mois de voyage leur semblent comme des vacances de Toussaint.
C'est vrai qu'ici la vie semble agréable: 15 F pour dormir
dans un hamac sous les étoiles au milieu d'une jungle grouillante,
25 F pour manger des fruits et des haricots avec un léger
supplément pour les champignons, les vasques et cascades
à deux pas pour se rafraîchir.
Le lendemain c'est dimanche, alors, une journée
cool avec au programme : bain dans une rivière, photos du
site de Palenque et discussion avec Annouck qui part pour un tour
du monde de deux ans.
13
mars San Christobal de las Casas
San Christobal de las Casa est une ancienne ville
coloniale espagnole très visitée avec un centre plein
de couleurs vives. Elle est située au cœur du Chiapas, état
du Mexique peuplé essentiellement par des Indiens qui luttent
pour le droit à la terre. Vous avez du entendre parler du
sous commandant Marcos et du EZLN. Sur place, ce n'est pas facile
de se faire une opinion sur tous ces mouvements, surtout en espagnol,
j'ai du aller lire les articles du Monde pour avoir une vision synthétique.
Les touristes, les cafés internet, les agences
de voyage qui proposent des tours dans les villages comme on va
au zoo, me donnent vite envie de partir. Avant de prendre un bus
pour une plus petite ville, je vais voir le centre d'étude
de la médecine Maya (OMIECH) qui possède un petit
musée.
L'accouchement
Maya
En visitant le musée, je tombe par surprise
sur une salle qui explique l'accouchement traditionnel maya. La
surprise était si grande que je me sens obligé d'en
faire part ici, en me basant sur le texte explicatif et sur les
représentations de la scène.
"Lorsque l'accouchement est imminent, la femme,
une sage femme et le mari se réunissent. Et oui, l'homme
va servir à quelque chose! L'homme s'assoit confortablement
sur une chaise. La femme vient s'agenouiller devant lui. Il la prend
alors par les épaules et la regarde avec admiration et tendresse.
Elle se tient à lui. Vient-elle puiser de la force et du
réconfort en l'agrippant fortement? Elle écarte les
genoux et travaille comme on dit. La sage-femme, placée derrière
elle, aide à faire venir le bébé".
Personnellement, c'est la première fois
que j'entends que l'homme joue un rôle dans cette étape
de la vie. Il parait qu'aux USA l'accouchement à genoux est
une technique de plus en plus pratiquée...
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