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Pérou
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10 Juillet La merced
J'arrive à l'aéroport de Lima deux
heures avant Stéphanie, c'est bien qu'on commence une nouvelle
étape ensemble. Après les deux mois et demi si extraordinaires
que je viens de passer alors qu'elle travaillait en France, j'appréhende
ces retrouvailles, j'espère qu'on arrivera à se mettre
le plus vite possible sur la même longueur d'onde.
Un premier vol venant de France s'affiche arrivé
sur les écrans d'information. Comme dans tous les aéroports
du monde, les passagers passent la dernière porte des douanes,
le regard cherchant un visage connu. Face à eux des dizaines
de personnes se pressent pour être au plus près et
apercevoir au plus tôt l'être cher devant sortir de
l'espace inaccessible, comme d'un autre monde. Les visages inquiets
se transforment presque toujours soudainement en un sourire radieux.
Gardant un œil sur cette porte de délivrance, je m'amuse
vraiment à vivre toutes ces retrouvailles à travers
ces personnes que je ne connais pas et que je ne croiserai plus
jamais.
Après une heure d'attente, je reporte mes
espoirs sur un autre vol. Elle apparaît enfin, tard dans la
nuit, sans son sac à dos mais avec son sourire. Il est tard,
on verra tout ça demain, on rentre dans Lima en taxi.
J'avoue que j'ai peur de ces trois semaines au
Pérou car on va visiter des lieux plus touristiques et j'ai
beaucoup entendu de soucis de vols de sac et d'agressions envers
les touristes. On entend toujours, pour chaque pays des histoires,
mais pour le Pérou, j'ai vraiment entendu du vécu
et souvent. Je me promets d'être très vigilant et m'impose
des règles supplémentaires, du type : toujours arrêter
un taxi en marche en choisissant un chauffeur le plus vieux possible
et en gardant les sacs sur les genoux, ceci afin d'éviter
toute préméditation de racoleurs, et une jeunesse
probablement plus entreprenante.
Nous passons une journée dans Lima à
nous raconter nos mois écoulés, récupérons
le sac arrivé par le vol d'après puis embarquons en
bus pour l'Amazonie. Nous avons seulement trois jours avant de revenir
sur Lima pour récupérer mon frère et sa copine
qui vont faire un bout de voyage avec nous. L'unique solution, dans
notre budget, pour que Stéphanie découvre l'Amazonie
est de traverser la cordillère des Andes et de redescendre
de l'autre côté. A vol d'oiseau, la distance est seulement
de 250 km. Par contre, en bus il faut compter 10 heures et surtout
passer un col à 4811 m, soit 4 m au-dessus de l'altitude
du Mont Blanc.
Les paysages s'enchaînent à chaque
virage, la mer, le désert rocailleux, une superbe vallée
tapissée d'un lit de verdure au milieu des montagnes colorées.
Au niveau du col, la neige est toute proche, à peine à
200 m au-dessus de la route, les compagnies minières ont
découpé des flans entiers de montagnes. Les lagunes
de traitement de minerai sont de couleur vert bonbon à la
menthe fraîche. Les pentes comme maquillées se font
face et semblent ne pouvoir opposer aucune résistance aux
explosifs venant les rogner chaque jour un peu plus. Le bus redescend,
il fait nuit, Stéphanie récupère peu à
peu du mal des montagnes. Pour un organisme, pas habitué
à l'altitude après seulement 24 heures dans un nouveau
pays, cette route est aussi haute qu'éprouvante.
Nous nous arrêtons à la Merced, petite
ville située à 900 m d'altitude, au milieu de la "Selva
alta", la haute jungle. Nous sommes encore dans les contreforts
des Andes, à quelques dizaines de kilomètres du bassin
amazonien. C'est le royaume des plantations de fruit et de café.
Je garderai deux souvenirs de ces trois jours, les dizaines de cascades
de plus de 50 de hauteurs au milieu de la jungle mais surtout les
délicieux sorbets d'un petit restaurant de la place de la
petite ville.
A peine le temps de s'habituer à la chaleur
que nous repartons pour Lima, par le même col à 4811
m, en inversant les tronçons de nuit. Le trajet est toujours
aussi féerique.
11
- 13 Nasca
Nous sommes maintenant quatre à voyager
ensemble, Stéphanie, mon frère Piout et son amie Charlotte.
Le voyage prend une nouvelle forme, je sens tout de suite que j'ai
fini mon voyage intérieur, il reste le plaisir de voyager
avec eux et de découvrir une face du Pérou incontournable.
Nous filons en bus de nuit pour Nasca, seule imposition que je soumets
au groupe pour ces deux dernières semaines.
Un employé de la compagnie de bus nous oblige
à mettre nos sacs à dos dans la soute du car. Je m'y
oppose mais n'obtiens pas gain de cause. L'employé applique
aveuglément une règle dont je ne comprends pas la
justesse, je suis hors de moi. Seul, je me serai fait rembourser
mon billet. Les autres me trouvent paranoïaque et me convainquent
de me soumettre aux règles de cette compagnie de bus réputée.
Le bus part, énervé je ne dors pas et descends du
bus à chaque arrêt, Stéphanie me voyant bouillonner
me propose de prendre le relais et de jeter un œil sur les portes
des soutes pour la fin de la nuit. On prend des quarts ! Au petit
matin, le bus nous laisse avec nos quatre sacs à Nasca, où
déjà, les racoleurs nous font des propositions de
tour organisés rien que pour nous et peu cher.
Je suis soulagé et me promets de faire notifier
à chaque prochain achat de billet que nous monterons dans
le bus avec nos sacs.
Nous allons dans le hall d'un hôtel pour
finir les négociations de l'organisation de la journée.
Les racoleurs savent pourquoi nous sommes là, ils se doutent
de notre budget par des petits indices du genre : bus de nuit pour
éviter de payer une nuit d'hôtel, sac à dos,
nationalité française. Ils nous font des propositions,
nous négocions une visite d'une nécropole de la civilisation
Nasca ainsi que le survol des fameuses lignes. La civilisation Nasca
est bien antérieure à celle des Incas. Le peu d'information
retrouvée laisse les archéologues perplexes et admiratifs.
Des cheveux de plusieurs mètres de long ont été
retrouvés dans des tombes d'une richesse d'objets et de symboles
innombrables. Mais bien sur, le plus grand mystère laissé
par ces Nascas est bien cet ensemble de figures dessinées
sur le sol, visibles uniquement du ciel. Les hypothèses les
plus folles ont été émises pour expliquer ces
dessins. La plus probable explication d'aujourd'hui étant
encore controversée, j'ai choisi de me rappeler des 3 hypothèses
suivantes :
Vol du condor
Extraterrestres
Danses
Nous sommes dans un des petits monomoteurs qui
font des rotations quotidiennes au-dessus des lignes. Le pilote
nous donne la carte et nous annonce la première forme, "
les trapèzes à droite ", il vire alors brutalement
sur la droite pour nous montrer le sol. Les estomacs réagissent
déjà , les yeux cherchent. Vu. En fait le sol est
sillonné de nombreuses traces de passage qui viennent perturber
la lecture. Notre détection progresse d'une figure à
l'autre, par contre l'effet de ce grand manège n'est vraiment
pas agréable pour nos intérieurs. Les figures s'enchaînent
sous nos yeux, c'est beau, impressionnant et intemporel. Ces dessins
d'araignée, de singe, de cosmonaute semblent avoir été
faits la veille. Après 40 minutes de vol, l'avion reprend
enfin une trajectoire rectiligne et nous ramène au sol. Après
une pause salvatrice, nous réembarquons pour 22h de bus,
vers Cusco, le cœur du pays Inca.
14-19
Juillet Cusco et la vallée sacrée
Après ce trajet aussi long qu'éprouvant,
seule une ballade rapide dans Cusco est possible pour nos organismes.
Cusco, capitale de l'empire Inca est située à 3400
m d'altitude. Nous comprenons rapidement l'importance du soleil.
Dès qu'il se montre, son rayonnement vient nous réchauffer,
à 18 heures il se couche et instantanément, un froid
glacial nous entoure. C'est certainement une des raisons pour laquelle
le soleil était si vénéré. A chaque
instant, l'homme a besoin de lui. Sous nos climats, il est là
surtout pour alimenter les conversations d'ascenseurs. Cusco est
toujours une des villes les plus importantes du pays, l'industrie
touristique marche à son plein, sa place centrale est surveillée
par d'innombrables policiers qui chassent tout péruvien n'étant
pas habillé correctement ou essayant de vendre des objets
aux touristes. Les palais coloniaux sont maintenant remplis de bars
branchés ou d'agences de voyage proposant des tours organisés.
Par contre, à quelques pas du centre historique, les Péruviens
vivent sans tenir compte des touristes. Nous logeons en dehors du
centre. Dans la rue, au marché péruvien, nous nous
sentons transparents. C'est la première fois que je ressens
cette impression. Nous n'existons pas pour eux. Pas un regard, pas
un sourire. Ils savent que nous allons rester 3 jours, aller au
Machu Picchu puis au lac Titicaca et après cela nous retournerons
là d'où nous venons. Nous sommes en fait au mieux
des porte-monnaie avec des appareils photo ou bien rien du tout.
Nous cherchons des renseignements pour effectuer
le chemin de l'Inca. C'est un trek de 4 jours qui permet de traverser
les montagnes de la vallée sacrée et d'arriver par
le dessus des ruines du Machu Picchu. C'est un rêve pour nous,
comme pour beaucoup ! Une loi péruvienne, oblige maintenant
d'acheter un voyage organisé dans une agence. Il n'est plus
possible de le faire seul. Je n'ai jamais eu d'explication à
cette loi. Bref en résumé, il faut payer 1500 F par
personne pour avoir le droit de marcher 3 jours sur un sentier de
montagne qui arrive au Machu Picchu. Devant cette politique touristique,
nous renonçons. Les jours dédiés à ce
trek se transforment en randonnées et visites des ruines
de la Vallée Sacrée.
Nous sommes quasiment toujours seuls et visitons
Pisac, un village Inca perché au-dessus de splendides terrasses
à blé. Le soir, nous tombons par hasard sur la fête
annuelle du village. Les danses traditionnelles se succèdent
avec des habits et couleurs précieuses. Quel bonheur de voir
des péruviens qui font la fête entre eux, sans compter
à cet instant sur l'argent des blancs. Nous mangeons d'excellents
poissons de la rivière dans un kiosque et payons le même
prix qu'eux. Le délit de faciès nous est épargné,
nous sommes des êtres humains, comme eux. Cette soirée
restera un des rares moments d'authenticité que nous avons
rencontré au Pérou.
Une fin d'après-midi, après avoir
marché quelques heures, un groupe de femme nous interpelle
sur le chemin et nous demande si nous connaissons la Chicha. La
chicha est une boisson faite à base de maïs fermenté
dans de l'eau durant 2 à 4 jours selon l'effet souhaité.
Elle me rappelle le masato bu en amazonie. Le goût est amer,
le contact sur la langue est fibreux et pétillant. La courte
fermentation interdit l'alcool mais vu les quantités absorbées
par les Péruviens de la Vallée c'est certains que
les effets ne sont pas neutres Nous répondons, qu'à
la fête du village, une femme nous en proposé mais
que nous n'aimons pas trop car c'est très différent
de nos goûts en France. Les femmes insistent et je n'ai pas
l'habitude de sacrifier une occasion de discuter avec les locaux.
L'une d'entre elle nous sert un grand verre, tour à tour
nous trempons nos lèvres dedans sans pouvoir faire baisser
sensiblement le niveau.
Mon frère souhaite faire une photo de la
scène et quelques portraits. Il faut donc gagner la confiance
et pour cela boire tout le verre. Nous jouons, elles aussi jouent
sans que je puisse détecter les motivations de cette invitation,
je suis même étonné car elles nous posent des
questions sur notre vie en France, ce qui est relativement rare.
Peu à peu, le verre se vide, nous faisons
connaissance. Piout sort alors son appareil numérique, elles
acceptent après un temps de réflexion. Grâce
à son appareil numérique, il peut leur montrer les
photos sur l'écran incorporé, nous prenons une adresse
pour leur adresser dans quelques mois.
Nous prenons le train pour le Machu Picchu, unique
moyen de transport pour rejoindre Aguas calientes, village situé
au pied du site. Le prix le moins cher est 10 fois le prix payé
par les Péruviens de la vallée car nous sommes étrangers.
Le village est un marché artisanal entouré d'hôtels.
Nous dormons sur place et décidons de partir à 4 h
du matin pour monter vers le Machu Picchu de nuit afin de voir le
lever de soleil sur la cité royale.
Le spectacle est à la hauteur des espérances,
le soleil va sortir de derrière les montagnes. Les randonneurs
du chemin de l'Inca arrivent par centaines juste après nous.
Nous laissons les rayons éclairer chaque pierre les unes
après les autres. C'est beau, même sans être
archéologue ou historien, on ne peut pas penser que ce site
ne fût pas un grand centre de vie. Nous passons la journée
à déambuler entre les maisons, bains et murs dont
on ne sait pas la signification.
21
juillet Titicaca
Après cette courte semaine au cœur de la
civilisation Inca, nous partons vers un autre mythe, le lac Titicaca.
Ce lac, le plus haut du monde, nous a tous fait rêver quand
nous étions enfant par son nom si suggestif. C'est une petite
déception d'apprendre que la prononciation devrait être
Titirara et non Titicaca, mais quand on apprend que sa signification
est le rocher du Jaguar, une autre image se forme devant les yeux,
sûrement plus mature ! Les Péruviens se sont adaptés
aux touristes et à Puno, tout est organisé pour aller
voir les fameuses îles flottantes où les autochtones
vivent sur des bambous ancrés au fond du lac. L'organisation
propose ensuite d'aller dormir chez les habitants de deux îles.
Toute cette organisation me pèse, mais nous avons peu de
temps alors on signe pour deux jours de voyage organisé.
Je ne m'étends pas sur ces deux jours car un bon documentaire
à la télé aurait était suffisant. En
bref, nous avons vu de belles choses sans les rencontrer. Il en
est de même pour les habitants.
Nous repartons donc un peu frustrés mais
nous savions tous que ce serait comme ça, alors pas de regrets.
22
- 26 juillet les Volcans du Pérou
Nous partons donc une nouvelle fois en bus de nuit
pour Aréquipa, la grande ville du sud du Pérou. Elle
est surnommée la ville blanche à cause des nombreux
bâtiments coloniaux encore existant mais surtout car la population
d'origine espagnole n'a pratiquement pas été métissée
avec les indiens. Fin juin, un tremblement de terre a fait tomber
une des deux flèches de la cathédrale, la seconde
semblant retenue par une seule pierre. Certains voient ici un signe
divin, en tous cas l'image de cette tour en équilibre est
très impressionnante. Nous prévoyons d'aller passer
un ou deux jours dans le canyon de Colca situé à 6
heures de bus. C'est décidé, pour cette ultime étape,
nous ne partons pas avec un tour opérateur. Les horaires
de bus sont faits pour décourager les indépendants
: un départ à midi et un départ à minuit.
Comme nous avons pris un hôtel, nous venons de perdre une
journée rien qu'avec les horaires de bus. Le lendemain, nous
occupons la matinée par les achats des cadeaux pour le retour.
Misti, Juanita, Condores, Bains, derniers contacts
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