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Direction l'Amazone

Après un mois de collecte de légendes sur les volcans d'Equateur, j'ai envie de changer de rythme. J'apprécie une fois de plus cette liberté totale, je sais qu'ici il y a matière à travailler des années sur ce sujet mais je n'ai de comptes à rendre à personne et maintenant j'ai envie d'aller pécher le piranha en Amazonie. Ma carte d'Amérique du sud indique une rivière, le Napo, qui va se jeter dans le fleuve Amazone au Pérou. Mon guide, pourtant de qualité et récent stipule simplement qu'il y a un poste frontière. Les informations recueillies auprès des agences disent qu'il y a des habitants mais pas de relation avec le Pérou par le Napo. C'est vrai que l'accord de paix sur l'emplacement de la frontière entre les deux pays ne date que de 3 ans. Le cadre est donc idéal puisqu'il y a des habitants et dit-on rien à voir. C'est toujours là où il n'y a rien avoir que j'ai eu mes meilleurs contacts avec les gens.

 

 

 

16 17 juin Coca

Je pars donc pour 13heures de bus en direction de Coca, la dernière ville du bassin amazonien sur la partie Equateur. Cette ville mérite d'être visitée, c'est une sorte de far-ouest moderne. Coca s'est retrouvée en quelques années capitale de la production de pétrole d'Equateur. Les grandes entreprises internationales viennent avec toute leur logistique et les habitants se trouvent embauchés à des salaires inespérés. Les salaires qui appellent des équatoriens d'autres régions qui immigrent par centaines. Les deux jours sur place sont grandement suffisants. Lundi matin, enfin, je monte à bord d'une pirogue de 20 m environ. C'est le bateau quotidien qui va jusqu'à la frontière avec le Pérou. Comme en ville l'ambiance est tendue, j'ai l'impression que les dix passagers sont muets, seules les poules se manifestent.

Je prends une photo du dernier pont, d'ici à l'atlantique, la rivière n'est plus traversée que par bacs. J'ai hâte de voir la largeur de l'Amazone. A la nuit, nous arrivons à Nueva Rocafuerte. Je rencontre un français qui tentait de s'installer, là, au milieu de nul part. Son expérience m'intrigue, comment peut-on décider ainsi de vivre aussi loin de sa culture d'origine. Je pense qu'on ne peut pas rogner sa culture d'origine, quelle qu'elle soit, et j'adore discuter avec les gens qui expérimentent cette démarche. Il m'explique brièvement qu'il doit tout plaquer à cause de l'ambiance générale. Il me dit deux mots des problèmes politiques de la commune, j'en ferai les frais durant 2 jours. Il part le lendemain pour la France, je me retrouve donc seul dans ce village où les bleus sont prêts à massacrer les oranges! Pour moi, il en résulte simplement que personne ne daigne nouer le moindre contact et j'ai même beaucoup de mal pour acheter de quoi manger et trouver une chambre dans l'unique petit hôtel. Le lendemain je pars retrouver une mission d'étude de sol menée par une entreprise française. J'apprends que le parc national le plus grand d'Equateur est divisé en lots déjà attribués aux géants pétroliers. Les forages sont en cours. Cette mission emploie à elle seule 1500 personnes. Les revenus sont inespérés pour les populations locales. Je ne cesse de me demander ce que va produire un développement financier si soudain et si important. J'espère que cette atmosphère que je ne cerne pas depuis 5 jours ne vient pas de là. Donne-t-on ainsi le bonheur aux populations otochtones ? A qui rapporte réellement toute cette exploitation, à combien d'équatoriens ? Ces questions de base ont certainement des réponses bien complexes. Chacun verra du bien et du mal en fonction de sa culture mais une chose est sure, on impose nos valeurs à des populations qui ne le demandent peut être pas.

Après une nuit agréable dans le centre de la mission française, je décide de partir au plus vite. J'avais prévu quelques jours dans ce parc national pour voir le faune et la flore amazonienne mais je préfère fuir cette ruée vers l'or noir.

J'affrète une pirogue car ici, personne ne va au Pérou, à part quelques missionnaires religieux dont je ne souhaite pas partager le bateau. Les villageois me demandent 10 fois le prix normal, ça me fait mal au cœur mais l'autre choix est d'attendre un hypothétique bateau, peut être 5 jours ! C'est la première fois en 4 mois que je me retrouve dans une impasse après des dizaines de tentative de négociation, je paye 300 F pour 1 heure de bateau. C'est un des plus mauvais souvenirs du voyage. Je suis blanc, donc riche comme les compagnies pétrolières.

Amer, je débarque à Pantoja, village frontière du Pérou, un des villages les plus éloigné de Lima, la capitale.

 

 

 

20 - 24 juin Pantoja

Enervé, je demande tout de suite quand part le prochain bateau pour descendre le Napo jusqu'à Iquitos, grande ville située sur l'Amazone, but de mon étape amazonienne. En effet, j'ai prévu 2 semaines pour descendre le fleuve, je suis parti de Quito, il y a déjà 5 jours et il me reste un bon bout de chemin d'après ma carte. Les habitants me donnent tous des versions différentes, un bateau viendra demain et repartira aussitôt, ou il ne viendra pas avant une semaine. Je commence à avoir l'habitude des questions de temps, d'habitude, je pose systématiquement mes questions sur les horaires de bus à 2 personnes. En fonction de l'aplomb des réponses je demande à une troisième ou pas. Là je sens que ça ne va pas être simple de savoir. Je demande pour affréter une pirogue à moteur. Il faut quatre jours pour aller à Iquitos et c'est hors de prix car je dois payer l'essence seul.

J'installe mon hamac sur la terrasse d'une maison vide moyennant une petite contribution à un jeune qui joue le rôle de gardien. Encore sous le coup de l'ambiance de l'autre côté de la frontière, je me pose dans le hamac et me renferme sur moi-même. En plus, ici je n'ai pas mon fil rouge sur les volcans pour entamer les discussions. Je passe donc toute la journée à écrire mon journal et à lire National Géographic. Il fait vraiment froid, la nuit je suis obligé de sortir mon duvet de montagne. L'humidité de 100% vient augmenter cette sensation de froid.

Le lendemain, je mange au petit restaurant qui ne sert qu'une personne par jour. Aujourd'hui, grâce à moi, la patronne va plus que doubler son service. Je profite de ce moment pour discuter avec l'habituée. Une enseignante qui a été parachutée dans ce petit village du bout du monde. Elle vient du désert, au sud de Lima. Pour rentrer chez elle, il lui faut environ 3 semaines au plus rapide par bateau et bus. L'autre solution étant bateau, avion et bus ramenant son voyage à 10 jours. Le trajet aller-retour lui coûtant alors 2 mois de salaires. Elle rentre donc tous les deux ans voir sa famille ! Son niveau d'éducation nous permet de discuter de longs moments sur sa vision du monde, de son monde et de mon monde. Sa petite fille de 3 ans me trouve bizarre avec ma barbe très poilue et ma peau blanche. En plus elle me dit que je parle mal. Je lui raconte des histoires de mon pays puis petit à petit le contact devient chaleureux et ses peurs semblent s'évanouirent. La patronne, Laestenia, est tout de suite agréable et maternelle envers moi. Elle a vécu en ville, à Iquitos, elle connaît les touristes et tous les 3 à 4 mois, quand un routard passe par le village, il mange chez elle.

Je lui demande s'il lui est possible de m'héberger pour la nuit en attendant le bateau qui devrait arriver le lendemain. J'installe mon hamac à côté de l'unique table du restaurant, face au Napo. Edgar, son mari, m'explique la difficulté de vivre ici à Pantoja. Ils n'ont pas assez d'argent pour vivre en ville, une de leur fille est en pension chez une tante, les 3 autres garçons sont ici au village.

Comme je m'en doutais aucun bateau n'est venu. Je passe la journée à lire et l'unique occupation est le match de foot de la fin d'après midi. Le village se retrouve là, en communion. Les ados jouent contre les adultes, la fougue contre l'expérience. Les anciens parient quelques pièces, les femmes de tout âge crient leurs encouragements et éclatent de rire à chaque glissade. Les petits jouent autour du terrain à faire des feux ou organisent des match en parallèle. Du milieu des gradins de bois, oublié de tous, je contemple ces instants de plaisirs quotidiens.

Le lendemain, je loue les services d'un guide pour aller pêcher des piranha. Je ne donne jamais d'argent dans la rue, encore moins à des enfants qui mendient. Ce n'est jamais facile de dire non je ne donne rien, mais c'est une ligne de conduite que je me suis donnée au fil des voyages. Je considère qu'il faut travailler pour mériter une paie. Souvent, je prends un guide local. Lui, sans rien il m'apporte un service, des connaissances, une sécurité. Parfois, je pourrai me débrouiller seul. Je paie la valeur du service en fonction du salaire de base dans le pays en la majorant sans que ce soit outrancier pour laisser de la valeur à l'argent. Un don ponctuel de quelques sous ne pourra pas servir si ce n'est créer une dette psychologique et humiliante.

Nous partons donc à la pêche, les cannes sur l'épaule.

Après deux heures de marche dans cette jungle amazonienne si mythique, nous voilà au bord d'une lagune. Il se déchausse et se coupe une partie de peau sur le côté du talon. Il me propose de faire pareil. Je lui explique alors avec le sourire que je n'ai pas de corne et me retirer comme ça quelques millimètres de peau ne me paraît pas envisageable. Il regarde un moment mes pieds et par un grand sourire acquiesce ma position. Il me donne alors un bout de son talon! D'un coup il plonge sa canne dans l'eau et la secoue ardemment. Il appelle les piranhas, avant de plonger le bout de viande. Je fais de même par mimétisme, sans vraiment comprendre toutes les phases de cette pêche encore plus surprenante que prévue. Il attend 3 minutes et me dit qu'il faut essayer ailleurs. Je lui explique que pour moi la pêche est une activité de patience, et de silence. Il sourit et retraverse un bras de la lagune par un tronc d'arbre. Je lui emboîte le pas. Je glisse; me voilà en train de nager vers la surface, mon appareil photo autour de cou. Je remonte instantanément m'allonger sur le tronc d'arbre. C'est de mémoire ma première chute en traversant sur un tronc d'arbre. Il fallait que ce soit là au milieu d'une mare à piranhas, l'appareil au tour de cou. Son jugement hâtif sur la présence de piranhas m'a permis de ne pas trop paniquer. J'ai chuté deux fois en 2 semaines, deux émotions fortes, mon voyage s'intensifie physiquement. Après quelques autres tentatives, le guide me dit que ce n'est pas la saison et qu'on a peu de chance d'en pêcher. On rentre bredouille, au village, on raconte l'histoire, ça fait rire, je m'intègre un peu mieux.

Je propose à l'enseignante de faire une intervention dans l'école, en classe d'anglais ou en géographie pour parler de la France et du tourisme. L'idée l'intéresse, l'unique professeur d'anglais est partie à Iquitos il y a deux mois et n'est pas revenu. J'interviens donc en cours de géographie. Dans le cadre de l'école, les élèves de 14 ans environ se dévoilent un peu plus. Les questions d'abord rares se multiplient. Elle sont portées essentiellement sur notre nourriture dans les pays industrialisés. Je parle des fromages, des plats congelés, des pâtes mais ce n'est pas facile d'expliquer ce qu'est un cassoulet de Castenlodarri. Je leur parle de la maladie de la vache folle, j'essaie de faire comprendre que tout n'est pas tout rose dans les pays industrialisés. On est plus riche c'est indéniable mais ce n'est pas le paradis.

Je suis maintenant depuis cinq jours dans ce village de Pantoja, à la frontière du Pérou et de l'Equateur. Arrivé contrarié, je passe maintenant de bons moments. Tous les jours une nouvelle de bateau vient contredire une ancienne version. Les nouvelles du monde viennent par la radio VHF écoutée par un habitant 2 heures par jours. J'ai refusé de partir sur une pirogue avec un marchand de passager. Laestenia, la patronne, m'a dit que c'était trop dangereux, qu'il fallait partir avec une personne d'ici qui connaisse bien le fleuve.

Deux jours après, le médecin du poste de santé, avec qui j'ai noué contact, part pour une faire une formation à des délégués des communautés indiennes du fleuve, dans un village plus en aval. Je quitte avec regret ce petit village, là où je me suis posé le plus longtemps depuis mon départ, il y a 4 mois déjà.

 

 

 

25 29 Juin Angetero

Nous sommes maintenant 15 sur une pirogue, propulsée par un "pégué-pégué", un petit moteur deux temps qui consomme beaucoup moins d'essence que les moteurs de bateaux que nous connaissons. Je pensais qu'on pouvait tenir à 5 dans cette pirogue, Roberto, le médecin, me dit que 5 autres délégués vont monter à bord. Roberto organise une formation de médecine sur une semaine pour chaque communauté via un délégué ou deux par communauté.

Une quarantaine d'homme se retrouvent donc en classe, pour cet enseignement. Les cours sont de ce qu'il y a de plus sérieux, 4 heures le matin, 3 heures l'après-midi et le soir vidéo sur la télé du maire du village. Au programme, les délégués ont essentiellement un rôle de dépistage et de suivi de planning familial. Une après midi est réservée à de la pratique de suture.

Je me renseigne sur le prochain bateau pour continuer ma descente, les réponses sont aussi peu convainquantes qu'à Pantoja. Je m'installe avec eux, dans une grande maison réservée aux malades. Le médecin, un étudiant en médecine et moi avons des hamacs. Les délégués dorment à même le sol. Cette situation me gène d'abord, puis je comprends que chez eux ils dorment aussi à même le plancher, c'est mieux pour le dos.

Je reste dans le village 5 jours, suis partiellement les cours de médecine. Cette vie en communauté est vraiment agréable, les discussions entre les délégués ne tarissent pas de la nuit. Ils profitent de cette occasion pour se donner des nouvelles. Des langues différentes chantent à mon oreille sans que je ne comprenne le moindre mot. La tradition est de discuter la nuit, spécialement vers les quatre heures du matin. Les rythmes changent. Ils ne mangent que deux fois par jour, le matin et à midi. Le soir c'est tout au plus deux biscuits. Je découvre que ce rythme alimentaire amazonien me convient bien. Comme dans chaque groupe, il y a les leaders, les studieux, les drôles. Je m'amuse à les regarder à tenter de m'intégrer par moments.

Quand je ne suis pas en cours, je reste tranquille, à écrire, à lire. Je découvre le dessin. Je me mets devant une maison et essaie de la mettre sur le papier. Souvent des petits viennent voir, curieux. Ils sont étonnés de voir un grand qui dessine. Je sors deux trois crayons et deux trois feuilles, et leur demande soit de me faire des dessins soit de dessiner la même chose que moi. Je m'émerveille en redécouvrant les lignes de fuites pour donner des perspectives, mes cours de dessin du collège me servent ici, au bout du monde après plus 15 ans de sommeil dans mon cerveau. Ces moments à attendre le bateau sont en fait vite occupés entre ces différentes activités. J'ai proposé mon aide à la cuisine mais me suis fait refouler par incompétence. Les femmes voulaient que je tranche les têtes des poules du midi et que je les plume. J'ai du refuser en expliquant que ce n'était plus dans notre culture et que j'étais vraiment incapable de faire ce geste pourtant si naturel et si vital ici.

De nouveau cinq jours sont passés sans qu'un seul bateau ne passe sur le Napo. Même sans date limite, mon esprit a du mal à ne pas savoir quand je vais partir. Ma vie rythmée par mon agenda au travail permet de voir l'avenir. Ici seul le présent compte. Je crois que c'est une des grandes différences entre leur vie et la notre, le rapport au temps.

Je pars avec deux délégués dans une petite coque alu, tout petit hors bord, on va rejoindre un des grands bateaux qui naviguent sur le fleuve. Je n'ai pas vraiment confiance dans cette démarche, mais un des habitants me dit avoir lui-même parlé au capitaine de la Camila. Quelques heures plus tard, la Camila est en vue, amarrée en face d'un petit village.

 

 

 

30 juin 3 juillet Camila

Le bateau est vide, il est à son point le plus haut dans le fleuve, comme il ne transportait pas de grande cargaison il n'est pas monté plus haut. Trois bateaux naviguent en permanence sur le Napo, mais plus les villages sont hauts sur le fleuve moins la fréquence des rotations est grande.

Je sais à ce moment là que je viens de quitter la jungle. L'équipage vient de la ville, les 5 autres passagers vont en ville et la connaissent. Les contacts sont différents, ils ne se demandent pas qui je suis mais plutôt qu'est-ce qu'un blanc fait ici, là où il n'y a rien à voir. Un passager est monté avec un singe araignée. Nous jouons un moment, la peau de ses mains est quasiment identique à la notre, ses expressions sont humaines.

L'équipage est constitué de quatorze membres et nous sommes cinq passagers. Un panneau indique que 100 personnes peuvent monter à bord. Le bateau possède 3 ponts, à quelques centimètres de la surface de l'eau un pont destiné aux animaux de grande taille et au moteur, au-dessus une grande salle où chaque passager accroche son hamac. Trois bancs et une table semblent perdus au milieu, à l'arrière, la minuscule cuisine ressemble à une cellule de prison. Le pont supérieur possède un abris, il est destiné aux animaux de petite taille et aux aliments : poules, manioc, maïs.

La descente dure deux jours et deux nuits. Toutes les demi-heures, la Camila accoste en face de petits villages. Des passagers montent un par un, avec des animaux : cochons, poules, vaches à destination des marchés de Iquitos. L'ambiance à bord est excellente, le fait de rester dans nos hamac côte-à-côte est propice aux longues discussions. Chaque nouvel arrivant prend et donne des nouvelles. La nuit, vers 4 heures du matin les discussions à voix haute m'empêchent de dormir. Une fois, j'ai essayé de parler avec eux mais mon niveau d'espagnol et mon sommeil lattant me font préférer l'option silencieuse, avec un sourire aux lèvres à écouter leurs voix chanter avec le lever du jour.

Nous arrivons à Santa Clotilde, première ville, la Camila fait une escale qui se prolonge. Le capitaine m'explique que si nous continuons la route aujourd'hui, nous resterons environ 50 passagers, si nous attendons demain matin nous serons 300. En effet c'est la fête annuelle du grand village et de nombreux habitants d'Iquitos sont venus pour cette occasion rendre visite à la famille. Le choix financier est vite fait. Le bateau appareillera demain matin à l'aube.

La soirée est vraiment grandiose, avec un groupe de musiciens et de danseuses venus de Iquitos. La bière et l'alcool de maïs coulent à flots. Certains passagers du bateaux sont méconnaissables. J'ai peur pour eux qu'ils loupent le départ du bateau. La grande salle contient environ 3000 personnes et je suis le seul blanc. Personne n'attache d'importance. Je sens juste quelques regards moqueurs sur ma façon de danser. A leur place je ferai sans doute la même chose.

Le matin, un peu plus tard que prévu, la Camila appareille, je me réveille avec sous mon hamac toute une famille qui dort sur un drap à même le pont. La Camila transporte alors 230 passagers, 6 vaches, 23 cochons, une cinquantaine de poules et 5 singes domestiqués. Autant, le bateau me semblait grand il y a 3 jours autant là c'est presque l'image de boat-people. Heureusement il n'y a que 20 heures de voyage. Mes affaires sont toutes dans la cabine du capitaine et j'ai mis mon hamac sur le pont supérieur la veille pour avoir un peu plus d'air. La traversée pour aller jusqu'à la cuisine est très difficile, des hamacs sont tendus au-dessus du parc à cochon.

Le soleil se couche, dans une heure il fera nuit et la Camila entrera dans l'Amazone. Je suis triste de ne pas pouvoir voir de jour cette confluence qui, paraît-il, est grande comme la mer. Mon seul espoir vient de la lune qui devrait se lever en début de soirée et qui est ces jours ci presque pleine.

Le capitaine vient me prévenir de notre arrivée imminente, encore deux méandres. Ca y est, j'y suis. Je suis sur l'Amazone. Le hasard a décidé de nous envoyer la lune qui se lève au même instant dans des tons orangés fabuleux. Les grands arbres amazoniens sont minuscules tout au loin. La Camila remonte maintenant le courant, après quelques minutes une vedette rapide nous dépasse. L'amazone est ici l'artère de la vie, le trafic est énorme, on arrive en ville.

Le jours se lève, on est à quai à Iquitos. Les acheteurs entrent dans le bateau pour acheter le bétail, le négoce se fait sur place. Pour moi, c'est la fin d'une superbe étape. Je reste sur le bateau, de toutes façons je n'ai rien de prévu. Il faut simplement que je sois dans deux jours à Lima pour récupérer mon amie, Stéphanie, qui vient finir le voyage avec moi. Le capitaine me propose de loger chez lui. J'accepte avec grand plaisir.

Je passe au bureau de l'immigration, j'ai un tampon de sortie du 16 juin d'Equateur et une entrée le 4 juillet au Pérou. Ce clin d'œil administratif pour deux pays frontaliers me fait sourire. Il montre quelque part que l'Amazonie est bien un pays à part entière.

 

4-6 Juillet Iquitos

J'avais prévu 10 jours pour me rendre de Quito à Iquitos, mon trajet a duré 3 semaines, je n'ai plus que 2 jours avant d'entamer la dernière ligne droite de mon voyage. Je les passe avec le fils du capitaine, âgé de 18 ans. Iquitos, avec ses 600 000 habitants, est la plus grande ville au monde que l'on ne peut pas rejoindre par la route. Elle est haute en couleurs, la découverte récente de pétrole dans le bassin amazonien lui donne un second souffle, après la splendeur déchue du caoutchouc à la fin du 19ème siècle.

 

   

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